"Presque rien sur presque tout"
27 Octobre 2009
En 1903 à Ropraz, dans le Haut Jorat vaudois, la
fille du juge de paix, la virginale Rosa, meurt à vingt ans d'une méningite. Dans l'hiver qui souffle, un promeneur trouve le couvercle du cercueil soulevé, le cadavre violé, la main gauche
coupée net, le sexe mastiqué, le coeur disparu. Profanation. Horreur. Stupéfaction villageoise, crainte du diable, soupçons de vampirisme, ail et crucifix accrochés aux maisons pourtant
protestantes... En avril de la même année, deux autres profanations atroces sont exécutées de manière semblable : à Carrouge, des gamins jouent à la balle avec la tête scalpée de Nadine ; à
Ferlens, c'est la blanche Justine qu'on profane. Monte la rumeur, comme une houle : il faut un coupable pour des crimes qui rappellent à chacun la 'crasse primitive', les vices cachés ; les
étreintes contre nature. Favez, un garçon de ferme un peu idiot aux yeux rougis, à l'épaule saillante, aux longues canines, qu'on a surpris à l'étable abusant des génisses, sera le coupable
idéal. Il sera jugé et condamné, puis on perd sa trace après 1915.
Ce roman ténébreux et dépouillé à l’extrême s’inspire de faits
réels qui se sont déroulés en 1903 à Ropraz, un hameau de Suisse romande.Le roman captive et effraye par la froide description des mécanismes entraînant la
stigmatisation de celui qui est différent.
Pour l’anecdote, on relèvera que Jacques Chessex a construit il y a trente ans sa maison à Ropraz, avec vue sur le cimetière où fut enterré, puis déterrée, Rosa Gilliéron. Personne, dans ce hameau calviniste, ne voulait de ce bout de terrain jouxtant l’endroit qui fut le théâtre, il y a près d’un siècle, d’une sordide profanation …